Réflexion autour de L’architecture

Texte lu lors de la deuxième journée d’étude sur la qualité architecturale intitulée “du projet urbain à la production architecturale”, organisée par l’Association Nationale des Architectes ANA le 07 Juin 2023 à Alger.

 
 

On entend par architecture adaptée l’architecture qui en plus d'être fonctionnelle, confortable, durable et écologique, une architecture  qui véhicule des émotions positives, du dehors comme du dedans. C’est une architecture qui répond aux besoins de ses utilisateurs en prenant en compte tous les aspects du contexte environnemental.

L’Architecture quand elle existe est forcément de qualité sinon on doit parler d’autre chose par exemple (d’essai…) de construction.

L’Architecture en ce sens n’est pas une notion nouvelle, elle existe chez nous depuis des milliers d’années. Nous devons chercher les raisons pour lesquelles cette transmission s’est interrompue, chercher également les raisons pour lesquelles cette architecture n’est pas prise comme référence à partir de laquelle nous devons bâtir une nouvelle architecture adaptée à notre mode de vie d'aujourd'hui.

Notre travail, notre mission et notre devoir en tant qu’architectes est de bien faire notre travail; militer pour un urbanisme et une architecture adaptés n’est pas chose facile mais si nous ne le faisons pas, personne ne le fera à notre place.

Nous devons, malgré tous les obstacles, toutes les difficultés,  faire preuve de sincérité, d’honnêteté et de persévérance, car il y a toutes les raisons pour ne pas faire bien, mais il en existe au moins une pour bien faire, alors saisissons-la! Tout le monde veut une architecture de qualité, est ce que tout le monde est prêt à faire les efforts nécessaires pour l’obtenir ?

Le projet urbain est un processus qui a comme objectif d'orienter et d’encadrer autant que possible le futur des ensembles urbains en tenant compte de la complexité des besoins et enjeux actuels et futurs. Aujourd'hui, pour que ces projets urbains aboutissent, il est  nécessaire  de privilégier la transformation du bâti existant au sein de ce processus pour ralentir puis stopper l’étalement urbain anarchique. 

Du projet urbain au désign d'intérieur en passant par l’architecture, les frontières sont très poreuses, mais il faut toujours veiller à produire du sens.

" La beauté d’une ville est un état d’équilibre fragile…un bel édifice est à lui seul incapable d’embellir une ville brisée, alors qu’un seul édifice peut tuer la silhouette d’une fière cité."
Léon Krier

Aujourd'hui, face à la croissance anarchique et la défiguration de nos villes, on peut se demander qui sont les responsables ? Est- ce les universitaires ? les décideurs ? les urbanistes ? les architectes ? les constructeurs ? les citoyens ? 

Nous sommes tous responsables à différentes échelles !

Essayons modestement d’énumérer quelques raisons de ces échecs : 

  • une formation inadaptée et incomplète des étudiants en architecture et en urbanisme:  l'échange entre théoriciens et praticiens est aujourd'hui quasiment inexistant. Or,  "la théorie sans la pratique est inutile, la pratique sans la théorie est aveugle." Emmanuel Kant

  • Un manque d’exigence de la Maîtrise d’Ouvrage sur la qualité architecturale

  • La difficulté d'accès à la commande publique, notamment aux jeunes architectes;

  • Les délais d'études souvent trop courts aboutissent à des études incomplètes avec des repercussions negatives sur les delais de realisation

  • Le manque de formation d’une main d’oeuvre spécialisée;

  • Le manque de sensibilisation des citoyens sur l’importance des projets urbains et architecturaux. Le recours aux architectes se fait très souvent pour des besoins administratifs. 

Depuis longtemps, l’univers du bâtiment est basé sur un trépied: maître de l'ouvrage, maître d'œuvre et entreprise de réalisation. Le premier engage le second pour répondre à ses besoins, défendre ses intérêts et s'assurer de la bonne exécution des travaux réalisés par le troisième. 

L'équilibre de ce trépied est aujourd'hui fragilisé. On préfère passer à un duo constitué par le Maître de l'ouvrage et l’Entreprise; là on commence à parler de “non-architecture”, à cause de l’absence d’une vision d’ensemble qui prenne en compte,  les usagers, l'image du projet, ainsi que la pérennité de ce dernier.

Comme moyen d'accès à la commande publique d’architecture, les  concours visent à offrir un choix de solutions à un programme architectural. Ce dernier représente bien plus qu’un tableau de surface générique; il permet de déterminer avec une grande précision les besoins et les exigences du maître de l'ouvrage (pour les futurs usagers), et c’est pour cela qu’il est nécessaire de former des programmistes.

Les conditions d'accès aux concours doivent permettre une mise en concurrence pour avoir réellement plusieurs réponses architecturales parmi lesquelles un jury aux compétences reconnues pourra choisir la plus pertinente. 

Les concours doivent être plus ouverts, notamment pour les jeunes pour qu’ils puissent avoir une chance d’exprimer leur talent. 

Les chiffres d’affaires ne doivent plus constituer un critère majeur de sélection car la qualité des projets proposés dépend rarement de ces derniers.

"Si vous pensez que l’architecture de qualité coûte cher, essayez la mauvaise architecture." 

 David Chipperfield

Dans l’économie du projet, on a souvent tendance à essayer d’économiser sur le coût de la maîtrise d'œuvre, qui dépasse rarement les 10% du coût total (si les barèmes préétablis sont respectés). Or, c’est dans les 90% restants qu’il faut économiser, car une étude inaboutie coûtera toujours plus cher à la fin.

Depuis 2016,  trois Pritzker prize travaillent dans des contextes complexes, entre autres: Alejandro Aravena avec ses habitats d’urgence après les séismes du Chili, les Français Lacaton & Vassal pour leurs travaux de transformation des logements sociaux, et récemment  en 2022, l'architecte burkinabé Francis Kéré pour son architecture de terre produite en Afrique. Ces architectes ont comme point commun la production d’une architecture sensible, durable, sans extravagance, tout en prenant en compte le contexte où elle se trouve.

Afin d’améliorer nos paysages urbains, l’architecture d'aujourd'hui doit être accessible à tous car il n’existe pas de “petit projet”. Nous devons rétablir la confiance entre les décideurs, les architectes et les citoyens.

Du projet urbain à l’architecture, nous devons adopter une approche globale, plus exigeante à toutes les échelles.

En amont, il est nécessaire d’accorder plus d’importance aux études de maîtrise d'œuvre.

  • Les écoles d’architecture devraient être des lieux d’apprentissage connectés aux réalités de la société.

  • La main-d'œuvre devrait être mieux formée et plus considérée.

  • Dès le jeune âge,  le citoyen “usager” devrait être sensibilisé sur l'importance de l'Architecture.

Nous devons produire de l’architecture avec le contexte dans lequel nous nous trouvons afin d'aboutir à des productions sensibles, harmonieuses et adaptées aux besoins de notre époque. 

" L’architecture est un art socialement dangereux parce qu’imposé à tous…Une   musique laide, on peut ne pas l’écouter, un tableau laid, on peut ne pas le regarder, mais un  immeuble laid reste là,  devant nous, et nous sommes bien obligés de le voir. "
Renzo Piano

atelier messaoudi architectes

juin 2023


Lounes Messaoudi